Le soleil brillait dans le ciel. Ce printemps était chaud, trop chaud. Plusieurs orages avaient déjà troublé la tranquillité omniprésente depuis le Grand Grognement. La température ambiante en devenait de plus en plus insupportable.
C'est ce qui avait poussé Lola à se rendre au lac. Elle se rappelait par cœur le chemin qui y menait. Elle l'avait parcouru chaque week-end, au bout de sa laisse. Sa maîtresse lui mettait son harnais, attachait sa laisse, puis elles partaient en duo. Juste elles, personne d'autre. Arrivées au lac, sa maîtresse la détachait, et Lola courrait, nageait, se roulait dans l'herbe. D'ailleurs, voilà qu'elle arrivait à ce fameux lac.
Mais ce n'était plus le même dans le regard de Lola. Alors qu'il était synonyme de bonheur et de jeux, qu'il resplendissait, il paraissait maintenant terne et vide de sens. Le soleil se reflétant sur sa surface ne brillait plus du même éclat.
Malgré sa réticence à rester dans ce lieu empli de souvenirs désormais douloureux, la chaleur intense poussa Lola à se rapprocher de l'eau.
Elle observa son reflet à la surface plane du lac.
Ses poils étaient hirsutes, et son pelage plein de terre et de poussière. Son regard était terne, presque sans vie.
J'ai changé.
Cette pensée lui sauta à l'esprit sans prévenir. En effet, elle n'était plus la même. Le petit chien de compagnie joyeux était devenu, comme tous les autres d'ailleurs, un chien errant, sale et affamé, dont la seule préoccupation est de survivre dans ce monde hostile, si familier et pourtant tout aussi inconnu à la fois.
Non, Lola n'arrivait toujours pas à tourner la page. Chaque instant, chaque lieu, chaque son et chaque odeur lui rappelait un élément de son ancienne vie. La jeune chienne se demanda si elle parviendrait un jour à oublier tout ça, si elle arrêterait de se morfondre et de penser sans cesse au passé. Probablement pas.
Tentant de chasser ces sombres pensées de son esprit, Lola se secoua. Elle n'en pouvait plus. Elle s'avança dans l'eau une patte après l'autre. L'eau était froide. La sensation de fraîcheur s'infiltra entre ses coussinets. Lola soupira. Elle se sentait bien. Décidée à se rafraîchir et par la même occasion à laver son pelage, Lola s’enfonça dans l'eau de plus en plus profonde. Bientôt, l'eau lui arriva jusqu'au cou.
Elle se retourna, vérifiant qu'aucun danger ne la menaçait. Ne remarquant rien d'anormal, elle fit encore quelques pas et se mit à nager. L'eau sinuait entre ses poils, imprégnait sa fourrure. Mais qu'est-ce qu'il était agréable de nager dans cette eau glacée lorsque la chaleur était si forte ! Tout en nageant, Lola avala quelques gorgées d'eau qui lui firent le plus grand bien. Elle continua à nager tranquillement, restant proche de la rive en cas d'urgence ou de nécessité.
Mais elle ne remarqua pas la présence de l'autre chien derrière les arbres bordant le lac. Peut-être aurait-elle dû mieux observer. Mais elle se détendait insouciamment dans l'eau limpide.