Un ciel couvert, un air lourd et pesant, l'air électrique, et l'orage qui menace, à nouveau, de gronder au dessus de la Ville. Oui, c'est peut-être ça qu'on peut appeler une journée de merde. Je gonfle mes poumons d'air et m'extirpe du camp Fierce, nonchalant et posé. Je suis resté assez terré au camp ces derniers jours et j'avoue que ça fait un moment que je n'ai été au-dehors. Ça m'a presque manqué.

Où puis-je bien aller, maintenant ? Je regarde autour de moi, soupirant sous la chaleur pesante. Et si j'allais voir les Leashed ? Les Wild sont trop prévisibles ; les Leashed nous réservent toujours quelques surprises. Je repense à Apollo. Que devient-elle, à présent ? Je ne l'ai pas revu depuis notre dernière rencontre. Je quitte le Village Détruit qui constitue mon territoire en voyant peu à peu les maisons redevenir correctes. Le Village. Les terres Leashed. J'ai envie de vomir ...

L'odeur des chiens domestiques emplit l'air, elle est présente, tout autour de moi. Partout ! Un chiot ou un Omega aurait déjà la tête qui tourne, et se serait enfui en courant. Enfin, je les comprends. Voilà au moins bien une chose que les Fierce partagent avec les Wild. Voir la seule : la haine, le mépris des Leashed.

J'espère secrètement en croiser, même si la logique aurait voulu qu'en ne les aimant pas, je ne voudrais absolument pas voir leurs têtes. Tant pis, j'aime manquer de logique. Alors que j'avance dans les rues silencieuses, j'entends des voix et je sens une odeur plus forte qu'à l'habitude. Je presse le pas, tentant de localiser l'inconnu. Je le trouve bientôt.

Enfin, je les trouve. Deux Leashed. Ouh ouh ! Deux pour le prix d'un ! Je m'approche d'eux, l'air peu menaçant. J'ai envie d em'amuser, peut-être qu'ils sont comme Apollo, ça serait marrant. Vexons-les, je sais à quel point les Leashed sont susceptibles.

« Alors, lequel de vous veut bien me dire qui est la baby-sitter de l'autre ? »

Deux chiens, deux Leashed, et pourtant deux personnalités bien différentes. Tandis que le premier s'approche pour me grogner dessus férocement et pour m'avaler tout cru, le second préfère s'asseoir sur le côté, silencieux. Sur l'asphalte tiède, mes coussinets sont à vif et mon pelage me semble encore une fois trop lourd. Mais je ne me déroberai pas, hors de question.

« Aucun de nous deux n'en a besoin, s'insurge t-il. En revanche, toi apparemment ça ne te ferait pas de mal vu que tu ne sais même pas rester sur les terres qui t'appartiennent. »

Et il pense m'apprendre quelque chose ? Je ris doucement, imitant au passage l'autre chien. Et il pensait quoi, que je me croyais chez moi ici ? Il n'a très bien dû comprendre ce que je suis venu foutre ici. Que vont-ils faire ? Un chiot de meute les battrait tous un à un, c'est dire. Non, je pense plutôt à autre chose.

« Pourquoi, tu es volontaire ? Je lance. C'est vrai, je crois bien que j'ai dû me perdre. Mais bon, je ne vais pas compter sur vous pour me reconduire chez moi, hein ? »

Je pose une patte devant moi, m'approchant au passage du mâle brun. Il est frêle, il est Leashed, il est con, et il n'a aucune chance au combat. Déjà, je crois bien que je ne l'aime pas (au cas où vous ne l'auriez pas deviné) ...