Crac crac. Les débris s'effritèrent sous les pattes de l'hybride. De longs grondements gutturaux s'échappaient du sol et des ruines du bâtiment. Des poutres à demi-arrachées s'élèvaient. La frêle silhouette du solitaire peinait sur les pierres blanches. Il ne s'arrêta pas pour se demander ce qu'il foutait ici. Il était solitaire, non? Un solitaire ne s'arrêtait pas à quelques centaines de mètres autour d'un endroit où dormir. Lui, de toute façon, ne s'arrêtait nulle part. Il dormait n'importe où, pourvu que ça soit abrité de la pluie. Le reste, il s'en fichait. Rester au même endroit trop longtemps n'était que mauvais pour sa sécurité. Tiens, maintenant il était prudent.

Le soleil disparaissait derrière les terres dévastées par le Grand Grognement. D'un côté, les terres Wild. De l'autre, les Leashed. S'il ne craignait pas trop les anciens domestiques, leurs voisins -quoique qu'ils n'aient pas de frontière commune - étaient déjà du niveau supérieur. Il avait des chances de tenir contre un seul, mais à plusieurs, c'était une autre histoire... d'autant que les chiens de meute se déplaçaient toujours à plusieurs. Il haït un peu plus les meutes à cette pensée. Il n'en fallait pas beaucoup pour lui faire haïr les meutes.

Le croisé s'arrêta, la queue haute et le regard droit. Il balaya les lieux du regard. Rien. Une légère odeur de nourriture, mêlée à celle d'hommes s'insinua dans sa truffe. Il dévala une pente, les pattes raides, ruminant toujours ses futurs complots. Hum... Chasser sur des terres occupées et rejetter la faute sur les autres. Il l'avait déjà fait, dans d'autres meutes, mais entendre les autres solitaires parler sans cesse de cette étrange guerre entre telle et telle meute, alors qu'aucun ne souffrait de la famine, était tellement exultante! Ou même, jouer le petit messager, innocent porteur d'une déclaration de guerre. Plus risquée, mais encore mieux. Parce qu'on se trouvait pile devant les concernés, et voir la surprise sur leur visage était trop beau pour être vrai. Mais, en attendant d'en savoir un peu plus sur les meutes du coin et la relation qu'elles partageaient - elle n'était sans doute pas amicale, et même si, briser une alliance était tout aussi intéressant-, les autres solitaires étaient aussi de bonnes cibles. Juste rapporter à tel membre de meute qui passe qu'il a vu un solitaire sur "les terres de votre honorable meute" avec un air soumis, et la graine de la discorde, du moins pour celui dont il avait parlé , était plantée. Pas plus compliqué. Il fallait simplement oser le faire, or il n'avait aucun remords à accuser ceux à qui il en voulait aux autres.

Mais avant de commencer à semer la zizanie un peu partout, la faim lui étouffait de nouveau le ventre. Le solitaire huma de nouveau l'air et suivit une odeur de garde-manger éventré. Il écarta une petite pierre et plongea son museau dans le frigo ouvert, en sortant un morceau de viande cuit, quoique à l'odeur légèrement désagréable. Pouvait-il le manger, malgré le fait qu'elle soit restée à l'air libre un bon moment? Il la renifla encore. Il ne trouverait certainement rien d'autre avant un moment, ou alors au péril de sa vie, comme à la Cantine où il avait rencontré la husky. Pas que la jeune chienne était un danger, mais comme ici, tout croulait, tout craquait, tout menaçait de s'effondrer. Le chien-loup vacilla. Il prit le morceau dans ses crocs et entreprit de s'éloigner du danger des restes de plafond au dessus de lui. Il serait plus à l'abri pour réfléchir ailleurs.